Délais et tarifs des psychologues en cabinet privé
Résumé
L’objectif de cet article est de répondre à diverses interrogations concernant les conditions d’accès, les délais d’attente ainsi que les tarifs attendus pour obtenir les services d’un psychologue qui exerce en cabinet privé.
Pour reproduire les conditions de recherche d'un psychologue fréquemment utilisées par la population, j'ai utilisé la section « Trouver de l’aide » du site Web de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ). En novembre 2022, un échantillon de 400 psychologues a été composé à partir des critères suivants, soit le psychologue (a) a une pratique privée pour traiter l'anxiété auprès de la clientèle adulte dans la région du grand Montréal et (b) affiche à la fois son adresse courriel et son numéro de téléphone publiquement sur son profil du service de référence de l’OPQ. L’échantillon a été réparti aléatoirement selon quatre conditions de contrôle : courriel froid, courriel chaleureux, téléphone froid et téléphone chaleureux. La collecte des données s’est déroulée du 19 novembre au 19 décembre 2022.
Parmi les 400 psychologues de l’échantillon, 14 (3,5 %) n’ont pas pu être rejoints en raison des coordonnées invalides ou de l'impossibilité à laisser un message, 161 (40,25 %) n’ont fait aucun retour à la demande d’aide et 225 (56,25 %) ont bel et bien procédé à un retour. L’analyse de ces 225 répondants présente un délai d’obtention d’un retour à la demande initiale de 2,44 jours en moyenne après celle-ci, avec une médiane à deux jours. La condition de contrôle du courriel chaleureux semble avoir été la plus favorable à l’obtention d’un retour à la demande initiale. Parmi ces 225 répondants, 66 (29,3 %) ont mentionné qu'ils n'acceptent pas de nouvelles demandes, 36 (16 %) n'ont pas répondu à la question sur l’estimation du délai pour avoir un premier rendez-vous et 123 (54,7 %) ont accepté de donner un estimé pour la fixation d'une première consultation. Le délai moyen est de six semaines alors que la médiane se situe à deux semaines. Également, parmi les 225 répondants, 129 (57,3 %) ont accepté de mentionner leur tarif pour une consultation d'environ 50 minutes. Le tarif moyen est de 150 $ alors que le tarif médian est de 140 $.
Les résultats de ce sondage offrent un aperçu de ce à quoi peut s’attendre un adulte cherchant à obtenir de l’aide pour son anxiété auprès d’un psychologue dans le secteur de Montréal. Ces informations pourront être utiles afin d’éclairer le taux « normal » de non-retour à la demande initiale, du délai approximatif pour avoir une première consultation ainsi qu’un aperçu général des tarifs généralement demandés par consultation. Par-dessous tout, le sondage met en évidence que la meilleure méthode de communication pour obtenir un retour de la part des psychologues est d’utiliser le courriel chaleureux.
Mots clés : psychologue, sondage, cabinet privé, pratique privée, délai, rapidité, tarif, OPQ
Dr Paul Simard, D.Ps., psychologue, PDG chez Ok Ensemble Inc.
(418) 905-0250 [email protected]
À des fins de citation, veuillez présenter comme suit :
Simard, P. (2022). Délais et tarifs des psychologues en cabinet privé. Ok Ensemble Inc.
Introduction
Imaginez une personne qui souffre d’anxiété. Après plusieurs mois passés sur une liste d’attente du réseau public, elle décide de se tourner vers un psychologue en pratique privée. Dans un ultime effort, elle procède à des appels téléphoniques qui restent tous sans réponse. Voilà un récit que me partagent bien souvent mes nouveaux clients. Le présent article fait le bilan d’une démarche de vérification quant aux enjeux auxquels font face les futurs clients qui cherchent à obtenir de l’aide d’un psychologue en pratique privée.
À titre de psychologue actif sur le Web, ma mission consiste à démystifier différents enjeux de la psychologie. Si les médias de masse abordent fréquemment la question de la pénurie des psychologues dans le réseau public québécois, qu’en est-il de la réalité du marché des psychologues en pratique privée? Depuis le début de la pandémie associée au COVID-19, la présidente de mon ordre professionnel affirme, lors de ses passages dans les médias, que les cabinets privés débordent comme jamais elle ne l’a vu auparavant. C’est donc dans un désir de mieux comprendre la réalité à laquelle fait face le citoyen que l’idée de sonder mes collègues m’est venue.
Est-ce vrai que les psychologues ne font pas de retour d’appel? Existe-il une méthode de communication avec les psychologues qui faciliterait la prise en charge d’une demande d’aide? Quel est le délai estimé pour obtenir une première consultation? À quoi ressemblent les tarifs demandés par les psychologues en pratique privée? Pour répondre à ces questions, j’ai réalisé un sondage auprès de 400 de mes collègues psychologues. Le présent rapport fait état à la fois de ma démarche, des résultats et aborde plusieurs points de discussion.
Malgré de nombreuses limites méthodologiques, j’espère que ce sondage pourra offrir des balises plus réalistes aux citoyens québécois qui cherchent à obtenir de l’aide d’un psychologue en pratique privée. Par la présente, je tiens également à soutenir mes collègues de la Coalition des psychologues du réseau public qui luttent avec acharnement afin d’éviter un exode total des psychologues du réseau public vers le privé. C’est de manière humble et animé par un désir de venir en aide à la population que j’ai élaboré ce sondage.
Première partie : la demande d’aide initiale
Les communications par téléphone demandent de synchroniser deux personnes au même moment. Intuitivement, je crois que cela constitue une première barrière d’accès à l’obtention d’une coordination de la demande d’aide initiale. Il me semble donc que la communication asynchrone par des messages textes et des courriels soit davantage propice à une bonne coordination des parties. N'étant pas en mesure de savoir si les coordonnées téléphoniques de mes collègues renvoient à des appareils mobiles qui acceptent les messages textes ou à des lignes fixes, j’ai écarté la condition de contrôle du message texte et j’ai choisi de m’attarder sur deux méthodes de communication, soit le courriel et l’appel téléphonique.
Pour en avoir discuté longuement avec plusieurs collègues psychologues, il semble y avoir trois grands types de profil d’approche des futurs clients qui nous sollicitent pour obtenir de l’aide en cabinet privé : le froid, le chaleureux et l’hémorragique. Le profil froid va directement au but avec des questions sur le délai et le tarif, sans autre formule de politesse. Il semble possible de croire que le profil froid soit perçu de manière aversive par le psychologue qui reçoit la demande d’aide de manière brusque. Le profil chaleureux souligne qu’il a fait des recherches sur les psychologues et identifié notre compétence comme étant particulièrement adéquate envers son besoin et ses attentes. Il semble possible de croire que le profil chaleureux génère un biais de sympathie favorable à la réception de la demande d’aide par le psychologue. Le profil hémorragique prend la forme d’un long récit autobiographique qui dévoile les évènements historiques et intimes survenus ou redoutés depuis son enfance jusqu’à aujourd’hui. Il semble possible de croire que le profil hémorragique soit perçu de manière aversive par le psychologue qui est ainsi submergé d’informations avant même la prise en charge de la demande initiale. Ayant retenu deux méthodes de communication (courriel et téléphone), j’ai décidé de retenir seulement deux profils communicationnels (froid et chaleureux), le profil hémorragique ayant été écarté à des fins de simplification pour l'exécution du sondage et parce que la condition froide connait déjà un aspect aversif.
C’est ainsi que j’ai élaboré quatre conditions de contrôle pour mon sondage : le courriel froid, le courriel chaleureux, le téléphone froid et le téléphone chaleureux. En appui sur mon expérience, j’ai alors formulé deux hypothèses : (1) la condition du courriel chaleureux devrait être la meilleure façon pour obtenir un retour à la demande d’aide initiale et (2) la condition du téléphone froid devrait être la moins bonne façon pour obtenir un premier rendez-vous.
Deuxième partie : le tarif des psychologues en pratique privée
La tarification des psychologues en pratique privée est également une question bien mystérieuse. Le code de déontologie de l’OPQ précise à l’article 52 que le psychologue demande des honoraires justes et raisonnables qui tiennent compte de l’expérience, des compétences, du temps consacré au service, de la difficulté ou de l’importance des services, du contexte inhabituel et de la célébrité du psychologue. Malgré ces précisions, il semble difficile de comprendre en quoi consistent les concepts moraux de justesse et de raisonnabilité. Quelles sont les balises comparatives? Existe-il un seuil limite après lequel le tarif demandé ne serait plus juste et raisonnable?
Pour répondre à cette question, je suis entré en contact avec divers représentants de l’OPQ qui me renvoient tous à la section « Combien ça coûte? » de leur page Web. Mise à jour en 2021, vous y trouverez les informations suivantes : « Il n’y a pas de barème tarifaire pour les séances de psychothérapie en bureau privé au Québec. Il s’agit d’un libre marché, chaque psychologue est libre de déterminer son tarif » ainsi que « À titre indicatif, le tarif pour une séance de 50 minutes de psychothérapie varie généralement entre 120 et 180 $ ».
Krystelle Larouche, conseillère principale aux communications de l’OPQ, poursuit en affirmant, lors d’une communication courriel, que : « L’Ordre n’a pas fait de sondage sur les honoraires des psychologues en bureau privé. L’Ordre a mis à jour son site Web à partir de données rapportées, telles celles de la Coalition des psychologues du réseau public (...) ». L’analyse de ce rapport indique bien un tarif médian de 120 $, mais il n’est aucunement mention de la balise supérieure du 180 $. Toutefois, William Aubé, conseiller à la recherche de l’OPQ, affirme qu’une analyse interne des pages personnelles du service de référence de l’Ordre souligne que dans 70 % des cas, le tarif indiqué se situe entre 120 et 180 $ et que dans 6 % des cas, il se situe au-dessous de 180 $. Monsieur Aubé affirme également que le bottin du site Web du magazine Psychology Today présenterait un tarif moyen de 177 $ dans le centre-ville de Montréal.
Malgré les mentions qu’il n’y aurait aucune barème tarifaire et que la pratique privée se situerait dans un libre marché, j’ai cru bon de questionner le syndic de l’OPQ au sujet de leur interprétation de l’article 52 de notre déontologie et plus spécifiquement sur les concepts d’honoraires justes et raisonnables. D’une part, Denis Houde, conseiller en déontologie au bureau du syndic, m’a répondu qu’un psychologue qui demanderait des honoraires plus élevés que le double des valeurs supérieures mentionnées sur le site Web de l’OPQ (donc à +360 $) gagnerait à être rencontré par le syndic afin de discuter de son argumentaire sur la justification d’une telle tarification. D’autre part, Suzanne Castonguay, syndique adjointe, m'a répondu que la tarification maximale n’est pas un enjeu déontologique et que cela relèverait plutôt d’une position stratégique du conseil d’administration de l’Ordre. Elle précise également que l’enjeu déontologique impliquant la tarification est fondamentalement associé à l’établissement et au maintien d’un consentement libre et éclairé avec le client.
Monsieur Houde m’a également confié que selon lui, dans les régions où le loyer est plus dispendieux (Montréal et Gatineau), les psychologues pourraient présenter un tarif plus élevé que la moyenne au Québec. Les deux villes ciblées par monsieur Houde sont également réputées pour être davantage propices à fournir des services anglophones. Parallèlement, un sondage réalisé auprès des psychologues ontariens positionne le tarif moyen dans cette province entre 212 et 239 $.
Au terme de cette mini-enquête, il apparait que l’expression « honoraires justes et raisonnables » témoigne davantage d’une position morale et éthique (guide subjectif et interprétable) que d’un véritable enjeu déontologique (ce qui doit être fait). Si chaque psychologue est libre d’inventer les règles de la valorisation de sa pratique, il ne faut pas s’étonner que cela suscite beaucoup de résistance, des cris du cœur et de sévères critiques lorsque le thème est débattu entre nous. Si la justification du tarif demandé n’est pas homogène entre les psychologues, cela doit être d’autant plus confus pour les gens de la population qui cherchent à obtenir les services d’un psychologue en pratique privée pour la première fois.
C’est donc animé d’un désir pour éclairer des concepts autrement flous ou difficiles d’accès que j’ai mis en place la méthodologie qui suit. Celle-ci sera suivie d’une présentation des résultats et d’une discussion avant de conclure.
Méthodologie
Il est important de comprendre que le présent sondage ne constitue pas une recherche scientifique rigoureuse. Il émerge plutôt d’un désir personnel de sonder les réalités du marché des psychologues en pratique privée et d’un désir professionnel de pouvoir informer le public avec des chiffres autrement impossibles à obtenir. En ce sens, le sondage ne s’inscrit pas dans le cadre de mes obligations déontologiques envers la recherche, et les participants ont été sondés de manière anonyme. Toutefois, j’ai longuement réfléchi sur une manière éthique de procéder à la collecte des données. Les avantages d’une collecte de données anonyme m'ont semblé essentiels à la validité des données ainsi que sans risque de préjudice pour les participants. À des fins de transparence, l’ensemble des données collectées pourra être remis au représentant de l’OPQ si des vérifications sont requises.
La composition de l'échantillon de ce sondage reprend la démarche la plus fréquemment utilisée par la population qui entre en contact avec moi afin d’obtenir les services d’un psychologue, c’est-à-dire le bottin numérique des pages de référence de l’OPQ, à la section « Trouver de l’aide ».
Dans son rapport 2021-2022, l’Ordre mentionne que ce service de référence Web a été consulté par 285 000 utilisateurs au cours de l’année. Il souligne également que 9116 personnes sont détentrices d’un permis de psychologue au Québec dont 2833 (31 % des psychologues de la province) exerçant dans la région de Montréal. Le rapport ne présente ni le nombre de psychologues qui exercent exclusivement dans le réseau public ni ceux qui ont une pratique mixte, mais il présente que 3324 (35 % des psychologues de la province) psychologues exercent exclusivement en pratique privée. Le choix de composer un échantillon de 400 psychologues a été fixé arbitrairement en fonction de la charge de travail estimé pour ce faire et parce qu’un taux approximatif de 15 % des psychologues du marché m’a semblé intuitivement suffisamment représentatif pour appuyer les modestes prétentions de généralisation du sondage.
Les critères de recherche de l’échantillon ont ciblé un motif de consultation pour anxiété, une clientèle adulte, centré sur un code postal spécifique de la région du grand Montréal, psychologue seulement. Les détenteurs d’un permis de psychothérapeute, membre d’un autre ordre professionnel et n’étant pas psychologue, ont été exclus. La composition de l’échantillon a eu lieu le 11 novembre 2022, les demandes de contacts initiaux ont été placées le 19 novembre 2022 (un samedi) et la collecte des données s'est terminée le 19 décembre 2022.
Parmi les 874 psychologues identifiés par le bottin numérique du service de référence, les critères d’inclusion pour faire partie de l’échantillon étaient d’avoir à la fois un numéro de téléphone et une adresse de courrier électronique affichés sur leur profil. Les critères d’exclusion ont été : (1) une identification exclusive à une pratique dans le réseau public de la santé, (2) le fait de ne pas présenter les deux modalités de communication (téléphone et courriel), et (3) le fait que je connaisse antérieurement ce psychologue. La navigation entre les différents onglets du bottin numérique a rencontré plusieurs problèmes, et la recherche a dû être relancée à plusieurs reprises. Il semble également que cet outil numérique change l’ordre d’apparition des psychologues et qu’il décuple leur affichage lorsque le psychologue présente plus d’une adresse pour son cabinet de consultation.
Quatre cents (400) psychologues ont donc été identifiés. Considérant les problèmes rencontrés avec la navigation dans le bottin numérique, j’ai également composé une liste de 40 (10 %) psychologues supplémentaires qui serait utilisée en remplacement en cas d'obtention de doublons.
La liste des 400 psychologues a été triée par ordre alphabétique afin de mettre en évidence la présence potentielle de doublons. Effectivement, six doublons ont été identifiés et remplacés par les six premiers noms sur la liste de psychologues supplémentaires. Une nouvelle vérification a été faite pour confirmer que ces six nouveaux participants n'étaient pas déjà présents dans l’échantillon final.
L’échantillon des 400 psychologues a ensuite été distribué aléatoirement parmi les quatre conditions de contrôle : groupe A (courriel froid), groupe B (courriel chaleureux), groupe C (téléphone froid), groupe D (téléphone chaleureux).
À des fins de préservation de mon anonymat et pour ne pas biaiser la collecte des données, j’ai créé un nom de personnage masculin fictif avec lequel j’ai créé une adresse courriel. Également, j’ai acquis un numéro de téléphone localisé dans le secteur de Montréal (lieu de pratique de l’échantillon) dont j’ai fait masquer l’identifiant par le diffuseur. Une boite vocale avec le nom du personnage masculin fictif a également été enregistrée pour procéder à la réception des retours d’appel.
L’élaboration des mesures de condition froide et chaleureuse provient de mes propres observations sur la manière dont les gens entrent initialement en contact avec moi pour bénéficier de mes services psychologiques. Il existe bien sûr une grande diversité de formes et de contenus pour ce premier contact, mais pour les besoins du sondage, seulement deux ont été retenus.
Alors que la condition froide était constituée d’une demande directe du tarif et du délai pour avoir un premier rendez-vous, la condition chaleureuse prenait le temps d'installer diverses formules de politesse ainsi qu’une explication sur le motif de consultation et une appréciation des informations professionnelles obtenues sur la page de référence du bottin numérique de l’OPQ spécifiquement au sujet du psychologue ciblé.
L’envoi des 100 courriels de la condition A (courriel froid) a été effectué en un seul envoi. Plus spécifiquement, les 100 adresses de courrier électronique ont toutes été inscrites dans la liste des courriels invisibles (en cci). Je cherchais ici à reproduire un comportement que j’observe fréquemment chez la population qui me contacte initialement, soit la mise en copie courriel (en cc) d’une liste de plusieurs psychologues, bien souvent des collègues et des amis. Pour les besoins du sondage, j’ai choisi d’utiliser le cci et non le cc afin de préserver l’anonymat, les uns envers les autres, des psychologues contactés. Il semble également possible que l’envoi de masse d’un courriel à 100 destinataires puisse rencontrer des mécanismes de filtration anti-pourriel au sein des boites de réception des destinataires. De cette manière, la démarche me semble comparable à une technique de pêche au filet, qui porterait l'espoir de rapatrier un grand nombre de retour avec le moins d’efforts possibles. L’ensemble de cette démarche initiale de contact me semble ajouter de la froideur à cette condition spécifique. De leur côté, les 100 participants de la condition B (courriel chaleureux) ont tous été contactés individuellement en destinataire unique et visible. Parmi les 200 courriels envoyés, six ont obtenu un message de retour automatisé disant que l’adresse courriel est inexistante. C’est donc 194 psychologues qui ont théoriquement reçu un courriel de sollicitation.
Les 200 appels téléphoniques ont été faits de manière individuelle. Sur ces 200 sollicitations, 8 ont conduit à des messages d’erreur, de numéro non attribué ou à l'impossibilité de laisser un message sur une boite vocale. Parmi les 192 psychologues sollicités, 163 messages ont été laissés sur des boites vocales et 29 ont répondu directement lors de l’appel. Cela constitue plus de 15 % des psychologues sollicités par téléphone, donc 1 sur 7. Des 163 messages vocaux déposés, 91 ont fait un retour, 5 ont laissé des messages inaudibles ne permettant pas leur identification et 1 travailleuse sociale m’a laissé un message sans m’indiquer qui lui avait donné mes coordonnées.
Les données que j’ai tenté de recueillir auprès des participants dans les quatre conditions de contrôle étaient : (a) le délai de temps écoulé entre la demande initiale et le retour du psychologue (j’ai attendu 1 mois avant d’inscrire ceux qui n’ont pas fait de retour comme des non-répondants), (b) le délai de temps attendu pour avoir une première consultation avec ce psychologue (j’ai également noté dans cette section ceux qui affirment ne plus accepter de nouvelles demandes), (c) le tarif demandé par consultation (je n’ai pas contrôlé le nombre de minutes exactes de chacun, mais une vaste majorité ciblait des consultations de 50 minutes).
L’obtention des informations sur le délai estimé pour avoir une première consultation ainsi que l’information sur le tarif n’ont pas toujours été présentées spontanément lorsque cela a été demandé. Lorsque ces informations étaient omises dans un retour des courriels à la demande initiale, j’ai systématiquement relancé un courriel avec les questions explicites sur le délai et le tarif. Malgré cela, certains répondants n’ont pas partagé l’une ou l’autre ou les deux informations demandées.
La collecte des informations provenant des messages vocaux laissés sur les boites téléphoniques des psychologues a requis une procédure spéciale. La méthode que j’ai décidé d'utiliser ici reflète une réalité que j’observe fréquemment lors du retour d’appel initial auprès d’un nouveau client. Il est rare de parvenir à rejoindre directement un individu par téléphone et le risque d'enclencher une suite d'appels en chassé-croisé d'appels manqués est très grand. Ajoutez à cela le fait que mes appels comme psychologue s’effectuent toujours sous numéro masqué (afin de protéger le droit du client au secret professionnel), et que certains individus ne répondent pas aux appels masqués. On obtient ainsi des conditions de contact laborieuses qui peuvent augmenter le taux d’abandon des recherches de contact d’un psychologue.
Conséquemment, j’ai adopté la procédure suivante : (a) ne jamais répondre directement au retour d’appel téléphonique, même lorsque j’étais disponible, (b) collecter les informations déposées sur ma boite vocale par les psychologues, (c) lorsque les informations sur le délai de temps attendu pour avoir une première consultation et le tarif demandé n’étaient pas précisées dans le message vocal de retour, je répondais systématiquement par un envoi, ou un nouvel envoi, d’un message texte au numéro de l’appelant. Ce recours à une communication asynchrone vient biaiser le taux de retour des informations collectées dans les conditions de contact téléphonique. Il semble donc possible de croire qu’en l’absence du recours aux messages textes, j’aurais obtenu encore moins d'informations de la part de ces conditions de contrôle.
Je me suis tenu à ces éléments de procédure dans ma méthode de collecte de données et je n’ai pas donné suite aux quelques demandes de changement de méthodes de communication. En effet, certains psychologues contactés par courriel demandaient à discuter par téléphone avant de répondre à toute autre question. Il en fut de même pour certains psychologues contactés par téléphone qui demandaient à être contactés par courriel. Également, certains psychologues contactés demandaient que je remplisse un formulaire sur leur site Web, ce à quoi je n’ai pas donné suite.
Résultats
Les analyses réalisées avec les données collectées sont présentées de manière descriptive simple et n'ont pas fait l’objet d'analyses statistiques complexes comme des régressions linéaires. Ce choix a été réalisé en raison de la grande variabilité du taux de réponse aux informations collectées parmi les répondants.
La Figure 1 représente la distribution de l’échantillon des 400 psychologues. On y retrouve les 14 (3,5 %) psychologues ayant des coordonnées invalides ou ne permettant pas de laisser un message vocal, les 161 (40,3 %) psychologues n’ayant pas fait de retour à la demande initiale en un mois d’attente et les 225 (56,3 %) psychologues ayant fait un retour à la demande initiale en un mois.
La Figure 2 représente la distribution des 386 psychologues contactés en fonction des quatre conditions de contrôle. À gauche se trouvent les psychologues n’ayant pas fait de retour à la demande initiale et à droite se trouvent les psychologues ayant fait un retour à la demande initiale. Le premier constat qu’il est possible d’établir ici est la prédominance de la condition C (téléphone froid) comme étant non propice à un retour à la demande initiale. Inversement, la condition B (courriel chaleureux) semble la plus propice à l’obtention d’un retour à la demande initiale. Les conditions A (courriel froid) et D (téléphone chaleureux) étaient sensiblement similaires, avec un léger avantage dans l'occurrence des retours à la demande initiale avec le courriel.
La Figure 3 représente la distribution des 255 répondants en fonction des conditions de courriels combinés et des conditions téléphoniques combinées. Il apparait ainsi que la communication via courriel favorise les retours à une demande initiale de service.
La Figure 4 représente la distribution des 255 répondants en fonction des conditions de froideur combinées et des conditions de chaleur combinées. Il apparait ainsi que la communication chaleureuse favorise les retours à une demande initiale de service.
La dominante des retours dans les conditions de courriels (voir Figure 3) et de chaleur (voir Figure 4) va dans les sens des observations spontanément observées pour la condition du courriel chaleureux (voir Figure 2).
La Figure 5 représente la distribution dans le temps des 255 psychologues ayant fait un retour à la demande initiale de service, avec le nombre de retours emboités pour chacune des quatre conditions de contrôle. En moyenne, les retours à la demande initiale ont été faits 2,44 jours après les demandes, avec une médiane à 2 jours de délai.
En raison de l'étalement des données après le troisième jour, j’ai procédé arbitrairement à des regroupements catégoriels pour les chiffres présentés dans la Figure 5. Ainsi, j’ai groupé les données entre 3 et 6 jours, celles entre 7 et 13 jours sont identifiées comme 1 à 2 semaines, celles entre 14 et 20 jours sont identifiées comme 2 à 3 semaines et la donnée unique du 27e jour est identifiée comme 3 semaines. Le Tableau 1 montre une vue d’ensemble des délais du retour à la demande initiale des 255 répondants en fonction des quatre conditions de contrôle : (a) courriel froid, (b) courriel chaleureux, (c) téléphone froid et (d) téléphone chaleureux.
Parmi les 255 répondants, 36 n’ont pas donné de réponse à la question sur l’estimation du délai de temps pour obtenir une première consultation. Seuls 189 répondants ont accepté de répondre à cette question. Parmi ces 189 répondants, 66 (35 %) ont affirmé qu’ils n'acceptent pas de nouvelles demandes et 123 (65 %) ont accepté de donner une estimation.
La Figure 6 représente les pourcentages de mention des psychologues qui affirment ne plus accepter de nouvelles demandes en fonction des quatre conditions de contrôle. À la lumière des informations obtenues, il semble que les conditions d’appels téléphoniques (et particulièrement celle froide) favorisent moins de refus pour raison de non-disponibilité à de nouvelles demandes.
Le Tableau 2 présente la distribution du nombre des répondants, par conditions de contrôle, qui ont affirmé qu’ils n'acceptent pas de nouvelles demandes (66) ainsi que ceux qui ont accepté de donner un estimé de délai pour obtenir une première consultation avec eux. Les pourcentages présentés dans la Figure 6 font le rapport entre la non-acceptation de nouvelles demandes et le total de répondants dans sa catégorie.
La Figure 7 représente la distribution dans le temps des 123 psychologues ayant estimé le délai pour obtenir une première consultation avec eux, avec un emboitement des quatre conditions de contrôle pour chaque période de délai. Le délai moyen pour obtenir une première consultation est alors situé à six semaines d’attente et la médiane à deux semaines d’attente.
Le Tableau 3 présente la distribution complète des données qui sont utilisées dans la Figure 7, sans effet d’écrasement catégoriel.
La Figure 8 représente la distribution des tarifs par consultation des 129 psychologues ayant accepté de répondre à la question. Il s’agit seulement de 57 % des 225 psychologues ayant fait un retour à la demande initiale. Il semble donc quelque peu difficile d’obtenir cette information pour un nouveau client. L’analyse des résultats obtenus présente un tarif moyen à 150 $ et une médiane à 140 $. La représentation visuelle de la Figure 8 fusionne les chiffres obtenus avec des 5 $ dans la catégorie inférieure. Par exemple, ceux demandant 125 $ ont été inclus dans la catégorie des 120 $ et ceux demandant 135 $ ont été inclus dans la catégorie des 130 $. Également, la Figure 8 exclut la gradation des dizaines après 220 qui n’ont obtenu aucune mesure, jusqu’à 400 $. Cet écrasement visuel pourrait laisser à penser que la distribution des tarifs est plus homogène qu’elle ne l'est en réalité. Toutefois, il semble bien y avoir présence de données marginales, voire extrêmes, dans la distribution des tarifs des psychologues en pratique privée.
Discussion
La prémisse à l’origine de la création de ce sondage est reliée à une curiosité personnelle. En ce sens, l’orientation de mes questionnements peut être biaisée par ma propre expérience comme psychologue en cabinet privé. J’ai assurément mis en place une pratique de réception des nouvelles demandes d’aide qui peuvent varier de celles de mes collègues, tout comme mon argumentaire sur mon tarif peut différencier des leurs. Toutefois, ma position fondamentale se situe dans un désir d’aider les gens à mieux comprendre les mécanismes d’accès au service des psychologues en pratique privée.
Le présent sondage est également porté par un désir implicite de rassurer les étudiants universitaires candidats à l’accès de la profession de psychologue. Je souhaite ainsi leur offrir des balises concrètes pour orienter leur décision de manière libre et éclairée vers un travail dans le réseau public, la pratique privée ou une pratique mixte. Essentiellement, j’offre à ces étudiants ce que j’aurais aimé moi-même recevoir au cours de ma formation universitaire. Du même coup, je souhaite introduire mes collègues vers un débat plus rationnel au sujet de la tarification afin de minimiser les débordements intuitifs, mais erronés.
Porter un regard critique sur la pratique des psychologues n’est pas sans risque. Pour avoir assisté à quelques congrès de psychologues et de chercheurs en psychologie, j’ai souvent été surpris par le climat de rivalité et d’hostilité qui y régnait. Je tiens donc à assurer mes collègues que l’ensemble de la démarche du présent sondage, ainsi que chacune de mes publications dans les médias et sur le Web, cherchent à valoriser notre profession. À mon avis, la protection du public passe également par une saine autocritique interne, et je sais combien il peut être difficile d’y arriver. La documentation scientifique sur les distorsions cognitives révèle bien que connaitre un biais n'empêche pas que celui-ci nous affecte.
Les méthodes de communication utilisées dans ce sondage (courriel et téléphone) ne reflètent pas l’ensemble des avenues par lesquelles de futurs clients entrent en contact avec les psychologues. Tel qu’illustré, les réponses données aux retours d’appel des psychologues ont été faites par message texte. Les différents écosystèmes numériques regorgent de bottins de référence, de sites Web et de réseaux sociaux. Ces conditions gagneraient à être explorées dans une recherche plus robuste.
Les profils d’approche des futurs clients gagneraient eux aussi à être étudiés plus spécifiquement. Les deux profils retenus (froid et chaleureux) semblent avoir présenté des différences dans le taux de réponse à la demande initiale. Il pourrait être intéressant de tester plus avant le profil hémorragique qui a été suggéré en introduction. D’autres profils existent sûrement, tel que le procrastinateur (qui remet à plus tard les retours d’appel ou la fixation de rendez-vous), l'agressif, le manipulateur, etc.
L’élaboration des quatre conditions de contrôle du présent sondage est directement liée à la taille de l’échantillon qui a semblé raisonnable de composer lorsque j’ai évalué l'ampleur de la tâche à accomplir. Il pourrait être intéressant d’observer la variance des résultats au sein d'échantillons mieux contrôlés et plus représentatifs du marché des psychologues en pratique privée au Québec. C’est dans un souci de cohérence que l’échantillon a été composé autour d’un code postal spécifique de Montréal et non à travers l’ensemble du Québec.
La démarche de navigation dans les onglets du service de référence de l’OPQ m’a également permis de constater d'importantes lacunes technologiques. En effet, le moteur de recherche cessant de fonctionner après quelques minutes, il fallait donc relancer depuis le début les paramètres de recherche. Il semble également que l’ordre d’affichage des psychologues, en fonction de la proximité avec un code postal spécifique, change au cours des relances de la recherche. C’est à des fins de protection de l’identité des psychologues contactés pour ce sondage que le code postal ayant été utilisé dans le moteur de recherche n’est pas mentionné dans le présent rapport.
Le choix de créer un nom de personnage fictif pour procéder au contact des psychologues visait essentiellement à ne pas biaiser la collecte de données. Il est en effet possible de croire qu’une demande de service en provenance d’un collègue psychologue aurait pu mobiliser diverses réactions préétablies envers la vision de notre groupe professionnel.
N’étant pas un acteur professionnel et n’ayant pas été assisté au cours de la prestation des 200 appels téléphoniques, il est possible que ma prestation froide versus chaleureuse n'ait pas été contrôlée à la perfection.
Au sujet des 29 psychologues qui ont répondu directement lors de l’appel téléphonique initial, je tiens à souligner leur dévouement extraordinaire. J’avais choisi arbitrairement de procéder au contact initial avec l’échantillon un samedi afin de maximiser l’utilisation des boites de messagerie téléphonique des psychologues. Je fus donc agréablement surpris de tomber directement sur un psychologue au bout de la ligne. L’application de la condition téléphone froid (quelque peu brusque) s’est avérée particulièrement éprouvante auprès de 15 psychologues ayant directement répondu à l’appel. À l’exception d’une psychologue qui s’est montrée extrêmement suspicieuse, les 14 autres ont démontré une très grande empathie et un professionnalisme exemplaire.
Considérant que l’Ordre nous demande de valider nos coordonnées à chaque année lors du renouvellement de notre adhésion comme membre, j’ai été surpris de rencontrer 14 psychologues ayant affiché des coordonnées invalides ou ne permettant pas de laisser un message vocal.
Considérant la rapidité des 225 psychologues ayant fait un retour à la demande initiale de contact (moyenne de 2,44 jours et médiane à 2 jours), je reste perplexe quant aux motifs pouvant expliquer le comportement des 161 (40,3 % de l’échantillon) psychologues qui n’ont fait aucun retour à la demande initiale de contact. Ayant discuté de ces chiffres avec des collègues et amis également psychologues, leurs hypothèses semblaient converger vers un choix d’économie de temps et d’énergie afin de bien aider les clients déjà pris en charge. Un protocole de recherche plus strict, comprenant l’enregistrement des messages présents sur les boites vocales, aurait possiblement pu donner un sens à ce taux de non-retour à la demande initiale. Toutefois, plusieurs boites vocales mentionnant que le psychologue n’acceptait plus de nouveaux clients se sont tout de même accompagnées d’un retour adjoint d’une proposition de première consultation. Ce paramètre reste donc libre à interprétation.
Les résultats obtenus quant aux conditions de contrôle favorisant un retour à la demande initiale vont dans le sens de mes hypothèses initiales. Le courriel chaleureux est en effet le meilleur moyen d’obtenir un retour et le téléphone froid le moins bon moyen. Il semble possible de croire que l’élément discriminant entre courriel et téléphone tient dans la nature asynchrone de la communication par courriel. En effet, chacun procède aux retours des communications lorsqu’il est disposé. On ne mise donc pas sur le hasard d’une double disponibilité synchronisée, comme c’est le cas avec le téléphone. Pour ce qui est de la supériorité des retours en condition chaleureuse, il semble possible de croire que les psychologues soient soumis à des biais de sympathie et de chaleureux humains. Devant la grande demande de services qui est présentée aux psychologues, certains pourront naturellement procéder à des mécanismes de présélection de la clientèle en fonction du caractère qui leur semble propice à une bonne alliance thérapeutique.
En appui sur mon expérience personnelle comme psychologue, mon hypothèse explicative serait ici que les psychologues utilisant les communications téléphoniques requièrent un effort plus grand de coordination synchrone, qui pourrait se refléter par un volume de réception de nouvelles demandes inférieur à celui de la communication par courriel de manière asynchrone. Ces derniers recevant un plus haut taux de demande seraient également plus enclins à présenter le fait qu’ils n’acceptent plus de nouvelles demandes. À mon sens, cette communication sur la non-disponibilité asynchrone via le courriel demande moins de temps et d’énergie aux psychologues que d’avoir à rejoindre le client par téléphone pour lui expliquer sa non-disponibilité. Toutefois, il s’agit d'une hypothèse intuitive qui resterait à vérifier.
Fait notable, bien que la condition du téléphone froid présente le plus bas taux de retour à la demande initiale, c’est également cette condition qui reçoit le ratio de mention « je n’accepte pas de nouvelles demandes » le plus bas. Mon hypothèse serait qu’après le mécanisme de filtration d’antipathie (lié à la froideur), les psychologues qui procèdent à un retour à la demande de ces gens auraient plus de disponibilités.
Au sujet de la vitesse à laquelle ont été faits les retours à la demande initiale, il est possible que les délais eussent été encore plus courts si le contact initial avec l’échantillon n’avait pas été fait un samedi (normalement réputé pour être une journée de congé ou de non-travail). Toutefois, cette hypothèse est hautement intuitive et ne reflète pas un contrôle des divers protocoles de retour d’appel qu’il est possible de rencontrer. À titre d’exemple, ma propre procédure implique un retour de tous les courriels et de tous les messages textes le jour même de la demande, sept jours sur sept. Pour sa part, un collègue psychologue m’a confié qu’il réserve son dimanche après-midi pour faire tous les retours d’appel et de courriel de la semaine. Un autre me confiait qu’il ne retournait les appels que des clients qu’il avait déjà acceptés en consultation. Encore une fois, ces réflexions ouvrent à la nécessité d’une étude exploratoire plus avancée pour saisir la réalité du marché des psychologues en pratique privée. Précisons toutefois que les 80 retours effectués au cours du premier weekend (35 le samedi même et 45 le dimanche qui suit) me semblent témoigner d’un grand engagement des psychologues en pratique privée envers leur désir de venir en aide rapidement à la population.
Au sujet du tarif des psychologues, les résultats obtenus dans le présent sondage (une moyenne à 150 $ et une médiane à 140 $) vont sensiblement dans le même sens que les informations présentées par l’OPQ (entre 120 et 180 $, 70 % du temps). Fait notable, le sondage démontre qu’il y a autant de psychologues demandant un tarif entre 100 et 115 $ (7) que de psychologues demandant un tarif entre 200 et 400 $ (7). La marge entre 120 et 190 $ semble donc coller aux estimations présentées sur la page Web de l’OPQ qui situe le tarif des psychologues entre 120 et 180 $. Toutefois, si monsieur Aubé affirme que 6 % des psychologues affichent un tarif supérieur à 180 $ sur leur page du service de référence, l’analyse du présent sondage démontre que 12 % (16 des 129) des psychologues demandent un tarif au-dessus de 180 $. Mentionnons ici que l’inscription du tarif demandé par le psychologue sur sa page du service de référence est optionnelle. Il semble donc qu’un phénomène incite les psychologues demandant un tarif plus élevé que 180 $ à ne pas afficher publiquement leur tarif. Combiné avec la difficulté d’obtenir l’information sur le tarif des psychologues ayant fait un retour à la demande initiale (seuls 129 des 225 ont répondu à la question), il semble possible de croire que l’enjeu de la communication tarifaire soit anxiogène pour les psychologues.
Considérant que nous sommes formés en psychologie pour venir en aide aux gens qui souffrent, l’aspect mercantile du tarif (et à plus fortement du tarif au-dessus de la moyenne) peut conduire à une certaine dissonance cognitive au niveau des valeurs du psychologue. Dans le même ordre d’idées, il semble possible de croire qu’un psychologue ayant résolu ce dilemme moral ne cherche pas à afficher à tout vent les informations sur son tarif élevé afin d’éviter les jugements ou les critiques des pairs ou de la population, l’information tarifaire étant alors réservée aux gens qui sont sélectionnés par le psychologue comme étant de futurs clients. J'appuie ces hypothèses sur ma propre expérience, et c’est pourquoi je n’affiche pas mon tarif sur ma page de référence de l’Ordre.
Pour avoir débattu à quelques reprises de l’enjeu tarifaire avec mes collègues psychologues, il semble qu’une croyance infondée persiste, soit celle selon laquelle il devrait y avoir chez les psychologues en pratique privée un genre de corrélation entre les années d’expérience et le tarif demandé. Cette méritocratie du salariat et de l’excellence universitaire est un biais cognitif bien connu dans la recherche en psychologie. Toutefois, comme le mentionne le site Web de l’Ordre, la pratique privée se situe dans un libre marché où chacun décide de la valeur tarifaire qu’il se reconnait. Il pourrait être intéressant, dans une future recherche, de contrôler le nombre d'années d’expérience en rapport avec le tarif demandé. Je n’ai pas contrôlé spécifiquement ce point dans le sondage, mais il m’a semblé que les plus expérimentés d’entre nous adoptent une polarisation au niveau du tarif. En effet, quelques psychologues s’affichant à 100 $ m’ont mentionné être sur le bord de leur retraite et celle à 400 $ a mentionné exactement le même argument.
À ma connaissance, les tarifs demandés dans la Ville de Québec (mon secteur de pratique) sont somme toute similaires à ceux observés dans le secteur de Montréal. Il n'en va pas de même pour les tarifs en région, comme le nord du Lac St-Jean ou le Bas-du-Fleuve, qui chutent à la baisse. Si un tarif de 140 $ peut sembler dispendieux au Québec, il s’avère très modeste en regard des coûts ontariens (entre 212 et 239 $). L’effet de l’offre et de la demande semble donc jouer un grand rôle dans la détermination du tarif local.
Conclusion
La force principale de ce sondage est de donner un aperçu réaliste du marché des psychologues qui viennent en aide aux adultes éprouvant des difficultés anxieuses, dans le secteur du grand Montréal. Ces informations normalisent certaines difficultés que peuvent rencontrer les individus à la recherche d’un psychologue. La condition de contrôle du courriel chaleureux s’est avéré la meilleure stratégie pour obtenir un retour à la demande d’aide initiale et le téléphone froid la moins bonne. Les délais médians d’un retour au contact initial sont de deux jours et ceux pour avoir une première consultation sont de deux semaines. Pour finir, le sondage confirme qu’une grande majorité des psychologues demande un tarif entre 120 et 180 $, mais que les tarifs les plus élevés sont quelque peu difficiles à obtenir.
Ce sondage comporte plusieurs limitations, notamment sur le plan méthodologique et procédural, raison pour laquelle plusieurs des hypothèses présentées dans la section Discussion font référence à des conjectures intuitives. Cette démarche ayant été réalisée de façon entièrement autonome et en l’absence d’une équipe allouée à une contrevérification des données, il est possible que certaines erreurs ou omissions se soient glissées dans les calculs. J’invite donc les lecteurs à rester critiques face au contenu de ce rapport et à ne pas réaliser de surgénéralisation sur celui-ci.
Les implications pratiques de ce sondage me semblent multiples. Elles pourraient soutenir la formation des futurs psychologues qui redoutent l'entrée dans le marché mystérieux de la pratique privée. Également, sur le plan social, il me semble important d’avoir accès à ces métadonnées, notamment pour appuyer les revendications faites par la Coalition des psychologues du réseau public. En effet, il est possible que la présentation de ces chiffres aux décideurs politiques puisse faire reconnaitre l’urgence d’agir afin d’éviter un exode total des psychologues du réseau public vers le privé.
Le présent sondage a été réalisé sur une base exploratoire et descriptive simple. Il pourrait orienter plus spécifiquement des tests d’hypothèse, comme la croyance d’un lien entre les années d’expérience d’un psychologue en cabinet privé et le tarif qu’il demande.
Pour conclure, je dirais que l’ensemble de la démarche associée à ce sondage m’a permis de mieux saisir la réalité à laquelle fait face la population qui cherche à obtenir l’aide d’un psychologue. À titre de psychologue qui exerce uniquement en pratique privée, il est possible que j’aie développé un biais de l’expert qui m’aveugle à certaines réalités. Mon souhait le plus sincère est donc de lever le voile sur des phénomènes cachés afin de faciliter l’obtention d’une aide au plus grand nombre d’individus.
Conflits d'intérêts
Je n’ai aucun conflit d'intérêt à déclarer dans la démarche associée au présent sondage. Il n’a bénéficié d'aucun financement externe et il n’est pas débité à être monétisé à l'avenir. Les seules influences externes qui ont marqué ma démarche sont reliées à mon titre de psychologue. En effet, il s’agit d’un titre protégé par la loi et encadré par l’OPQ. En ce sens, j’ai diverses lois, règlements, procédures et codes à respecter afin de faire honneur à la profession lors de chaque prise de parole à titre de psychologue.